Thumbnail

Révision du RTE-T: position du Parlement européen et début des négociations interinstitutionnelles

La commission Transport a adopté son avis sur le futur réseau transeuropéen de transport (RTE-T) le 13 avril, ouvrant la voie à un premier trilogue avec le Conseil de l’UE et la Commission le 24 avril. 

La Commission européenne avait présenté sa proposition de règlement en décembre 2021 (voir article Les nouvelles initiatives en matière de transport de la Commission européenne), sur laquelle le Comité européen des Régions s’était prononcé en octobre 2022, à travers le rapport d’Isabelle Boudineau, Conseillère régionale déléguée à l’Europe de Nouvelle-Aquitaine, (voir article Transports et protection par l’indication géographique: le Comité des Régions à Bruxelles adopte deux rapports portés par la Nouvelle-Aquitaine). Le Conseil des ministres de l’UE avait quant à lui arrêté sa position de négociation en décembre 2022.

Dans son avis, le Parlement européen (PE) insiste beaucoup sur le transport transfrontalier. Il ajoute par ailleurs de nombreuses références à la maintenance des infrastructures, aux modes de transport actifs (comme la marche ou le vélo), ainsi qu’aux infrastructures de carburants alternatifs, sur lesquelles un nouveau règlement sera bientôt publié (voir brève Accords politiques sur la partie carburant du paquet "Ajustement à l'objectif 55" ).

Concernant le transport transfrontalier, les députés:

  • Soulignent la nécessité d’éliminer les goulets d’étranglement;
  • Appellent au développement et à l’application de règles européennes communes pour la mise en œuvre de projets communs,;
  • Souhaitent une meilleure coordination des travaux entre Etats membres pour ces projets et une accélération de la construction des lignes nouvelles prévues dans les sections transfrontalières, grâce à la création d’une entité de gestion unique et d’une procédure d’autorisation plus rapide, de façon à augmenter le trafic de fret ferroviaire; 
  • Demandent la mise en place, d’ici fin 2025, d’un système de gestion permettant aux opérateurs ferroviaires de passagers et de fret de réserver un sillon transfrontalier. Ce système serait géré par l’Agence ferroviaire européenne et totalement déployé sur les Corridors, le RTE-T central et étendu d’ici fin 2027. Il permettrait de participer à l’objectif fixé par les députés qu’au moins 90% des trains de passagers traversant une frontière d’un Corridor arrivent à leur destination à l’heure prévue ou avec un retard de moins de 30 minutes; 
  • Invitent les coordinateurs européens à se pencher sur l’identification des contraintes et des défauts des Corridors aux points transfrontaliers; à analyser les besoins de mobilité transfrontalière dans les régions frontalières et à encourager les Etats membres, en coopération avec les autorités locales et régionales, à établir des plans de mobilité transfrontalière comprenant des mesures ciblées pour améliorer la connectivité. 

En matière d’exigences techniques pour le mode ferroviaire, le Parlement ajoute plusieurs possibilités pour les Etats membres de demander des dérogations à certains critères (électrification des lignes, longueur de trains de 740 mètres, gabarit P400 pour le fret, etc.), mais dans des conditions justifiées et sur la base d’une analyse socioéconomique coûts-bénéfices et d’une évaluation de l’impact sur l’interopérabilité. L’électrification sera toutefois obligatoire pour toute nouvelle ligne construite sur le réseau central à compter de fin 2030 ou sur le réseau global après fin 2040. 

Pour ce qui est des terminaux de fret, chaque Etat membre devra conduire une étude de marché et une analyse prospective sur son territoire dans l’année (et non les deux ans) qui suivra l’entrée en vigueur du règlement.

Sur les nœuds urbains (Bordeaux, Limoges et Poitiers en Nouvelle-Aquitaine): 

  • La notion de zone urbaine "fonctionnelle" est ajoutée à leur définition; 
  • Un terminal de fret dans ou à proximité d’un nœud urbain pourra servir plus d’un nœud si ses capacités le permettent;
  • Les eurodéputés souhaitent promouvoir le transport par ferries comme un mode de transport durable;
  • Les Plans de mobilité urbaine durable (PMUD) devront être publiquement accessibles, inclure des mesures sur la pauvreté en matière de mobilité, la promotion des modes actifs, etc. A partir de 2026, le PE souhaite conditionner l’attribution des fonds européens aux nœuds urbains à l’existence de PMUD en règle. L’avis du Parlement demande aussi la mise en place de points de contact nationaux et de programmes nationaux PMUD;
  • Parmi les données à soumettre à la CE, le PE ajoute notamment des éléments sur l’accessibilité et le caractère abordable des services de mobilité. Le Parlement demande que la méthodologie prévue par la CE sur les données soit construite en coopération avec les Etats membres et les autorités locales et régionales.

Par ailleurs, pour tous les projets RTE-T qui accuseraient un retard significatif par rapport à leur calendrier initial, le Parlement ajoute la possibilité pour la Commission européenne de lancer immédiatement des procédures d’infraction contre les Etats membres, en plus de la suspension des fonds européens accordés à ces projets.

Enfin, les eurodéputés ont apporté de nombreuses modifications aux cartes du réseau, sans pour autant que celles-ci concernent la France. Le Parlement européen propose néanmoins d’ajouter un certain nombre de sections espagnoles au Corridor Atlantique, sur lequel se trouve la Nouvelle-Aquitaine.

Le prochain trilogue sur le texte est prévu fin juin. Les négociations devraient être assez longues étant donné les nombreux amendements apportés au texte initial de la Commission et aux positions relativement éloignées du Parlement et du Conseil. 

Position du PE 
Position du Conseil