
Table-ronde sur les e-SAF, une filière structurante pour l’économie et la décarbonation des régions européennes
La Nouvelle-Aquitaine a accueilli une conférence organisée par Forward Global, avec le soutien du développeur français Verso Energy, sur la thématique des carburants de synthèse (e-SAF) qui doivent servir la décarbonation de l’aviation.
La conférence a réuni les eurodéputés Eric Sargiacomo et François Kalfon, la DG MOVE, la COPACEL, le Port de Bordeaux, l’ERAA, Verso Energy et Safran.
L’entreprise Verso Energy a annoncé l’implantation de deux projets de production d’e-SAF dans la Région: l’un à Saillat-sur-Vienne et l’autre à Tartas. L’objectif des deux projets est de capter le CO2 biogénique émis par deux papeteries, partenaires de chaque projet. Le CO2 biogénique sera alors combiné avec de l’hydrogène décarboné pour produire du carburant de synthèse (e-kérozène).
Lors de la table-ronde, les deux projets ont été présentés puis différents acteurs du secteur et de l’écosystème bruxellois ont échangé sur les enjeux de la filière. Un consensus a émergé sur la nécessité d’accélérer le déploiement des e-SAF en France et en Europe.
Eric Sargiacomo, député européen et conseiller régional landais, a introduit la table-ronde en expliquant son intérêt pour le développement industriel. D’après lui, l’enjeu de l’Union européenne est de conserver son industrie et ceci passe par la nécessité d’innover et de se décarboner. La sylviculture et la forêt des Landes ont une place importante pour le territoire et c’est pourquoi il est pertinent de convertir le CO2 biogénique, issu des papeteries, en carburants alternatifs durables.
L’eurodéputé socialiste, François Kalfon, a soutenu également la nécessité de déploiement de cette filière car le secteur de l’aviation est en pleine croissance et a besoin rapidement de solutions pour réduire son impact carbone. Mais pour cela, un accompagnement par les pouvoirs publics est nécessaire. Il a appelé la Commission européenne à maintenir ses objectifs inscrits dans le règlement RefuelEU aviation.
Romain Verdier, directeur général délégué de Verso Energy, a aussi soutenu cette nécessité de stabilité des objectifs européens. Avoir une vision claire et stable des objectifs de production est une condition indispensable pour permettre à la filière de se développer et de maturer. Selon lui, la Commission a défini des objectifs, et les développeurs d’e-SAF ont la capacité de les atteindre. Mais ce chemin est long et sinueux, il ne faut donc pas que la Commission en change le tracé en cours de route.
Christian Ribeyrolle, président de Copacel et partenaire du projet à Tartas, a expliqué comment il était nécessaire pour une papeterie historique comme celle de Tartas d’évoluer et d’investir dans la recherche et le développement pour s’adapter aux nouvelles réalités de l’écosystème industriel. Aujourd’hui, elle s’apprête à valoriser le CO2 qu’elle produit en carburants alternatifs durables, pérennisant l’empreinte économique de la papeterie dans la région. Il a aussi rappelé que la principale crainte des investisseurs privés était l’instabilité des politiques européennes, pour lesquelles il a également demandé de la visibilité à long-terme.
Jean-Frédéric Laurent, directeur général du port de Bordeaux, a précisé que la réglementation européenne pour les e-SAF est déjà une réalité pour les activités du port. Le territoire possède toutes les conditions pour développer le secteur et le port est très impliqué avec différents partenaires comme Teréga. Du fait de ses infrastructures, le port est un hub naturel qui selon son directeur permettront de faciliter la décarbonation de tout l’hinterland bordelais, tout en attirant de nouveaux investissements.
Nicolas Jeuland, expert chez Safran, insiste sur la nécessité d’utiliser toutes les ressources disponibles pour parvenir à la décarbonation de l’industrie et du transport. Or il ajoute que justement, Tartas réunit toutes les ressources indispensables pour déployer un projet de production d’e-SAF.
La Commission européenne, représentée par l’unité aviation de la DG MOVE, a affirmé que la Commission ne souhaite pas toucher aux objectifs de RefuelEU pour 2030. Le règlement RefuelEU aviation sera évalué pour potentielle révision, notamment pour clarifier certains aspects techniques du texte, en 2027 mais il appartient aux colégislateurs de maintenir les ambitions, et de choisir de ne pas rouvrir le texte. La DG MOVE a par ailleurs annoncé pour septembre la publication du plan d’investissement pour les transports durables qui proposera de nouveaux outils pour accélérer le déploiement notamment des e-SAF.
Les intervenants ont à tour de rôle proposé des recommandations à la Commission. Par exemple: intégrer plus clairement le nucléaire comme énergie bas carbone, promouvoir les contrats d’achat d’électricité (PPA), proposer davantage de dispositifs de soutien public comme le fonds pour l’innovation, etc. Le représentant des compagnies aériennes (ERAA) a quant à lui appelé la Commission à corriger les effets de marché pour les SAF et les e-SAF.
Enfin, les échanges se sont conclus sur la nécessité de ne pas oublier la dimension citoyenne avec l’acceptabilité sociétale. L’eurodéputé François Kalfon a ainsi interpelé les panellistes, les invitant à poursuivre justement le travail de pédagogie à ses côtés afin d’informer ses collègues eurodéputés sur le caractère essentiel des e-SAF.