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Ukraine, compétitivité et géopolitique : la Commission européenne propose de réviser son budget

Le 20 juin 2023, la Commission européenne a présenté son analyse à mi-parcours du Cadre Financier Pluriannuel 2021-2027. Elle a décidé de l’assortir d’une proposition de révision afin de l’adapter aux défis actuels ainsi qu’à des priorités qu’elle estime suffisamment pressantes.
 

Comme prévu dans le règlement du Cadre Financier Pluriannuel (CFP), la Commission européenne (CE) peut si besoin présenter une révision à mi-parcours d’ici au 1er janvier 2024. Face aux enjeux et défis géopolitiques, économiques et climatiques, la Présidente Ursula Von Der Leyen propose de répondre avec une rallonge de 65,8 milliards € à trois priorités: la reconstruction de l’Ukraine, la préservation de la compétitivité européenne et les questions internationales, dont migratoires et d’asile. 

C’est ainsi que la CE propose d’établir une "Facilité pour l’Ukraine" sur un modèle proche de celui de la Facilité européenne pour la reprise et résilience. Pour la financer, elle demande aux Etats membres de mobiliser jusqu’à 50 milliards €, dont 17 milliards en subventions et 33 milliards en prêts. Le but est d’aider l’Ukraine à se reconstruire (pilier un), à maintenir sa stabilité macro-financière en favorisant l’investissement (pilier deux) et à l’accompagner dans les réformes structurelles, en s’appuyant notamment sur la coopération avec et entre les autorités locales et régionales, dans le cadre de son processus de pré-adhésion (pilier trois). Cette Facilité devra se synchroniser avec la "Plate-forme de coordination des donateurs multi-agences".

A défaut de créer un "Fonds de Souveraineté", la Commission européenne propose, dans le cadre plus large de sa stratégie en matière de sécurité économique, de promouvoir la compétitivité de l’Union européenne (UE) à long terme via la création d’une "plateforme des Technologies stratégiques pour l'Europe" (STEP). Cet instrument a pour fonction de constituer un Portail de la souveraineté  afin de faciliter la recherche de financement, la synergie et la complémentarité entre des programmes existants pour soutenir, en multi-fonds, des projets prioritaires autour de la "clean tech", la "biotech" et la "deep and digital tech". La CE demande ainsi de mobiliser 10 milliards € supplémentaires au CFP actuel pour renforcer le Fonds pour l'innovation de 5 milliards €, InvestEU de 3 milliards €, Horizon Europe de 500 millions € et le Fonds européen de la défense de 1,5 milliard €.  Seront aussi mis à contribution la Facilité pour la reprise et la résilience – les plans nationaux de relance – les programmes EU4health et Europe numérique. La politique de cohésion est également sollicitée. A cette fin, la CE propose, dans un certain cadre, des flexibilités en autorisant le soutien aux grandes entreprises, 30% de préfinancement et jusqu’à 100% de co-financement pour les secteurs prioritaires. La Commission estime que STEP aura pour effet levier de générer jusqu’à 160 milliards € d'investissements.

Avec 15 milliards € supplémentaires, la CE souhaiterait répondre aux enjeux internationaux et migratoires. Ainsi, 2 milliards € appuieraient un "Nouveau Pacte sur l’immigration" avec pour but de soutenir les pays subissant le plus de pressions migratoires, notamment ceux d’accueils et ceux du voisinage par des investissements sur place. Pour faire face aux catastrophes naturelles et humanitaires, la CE prévoit de renforcer de 2,5 milliards d’euros sa "Réserve d’aide d’urgence et de solidarité". 

La CE présente également deux ajustements techniques. Comme l’analyse la Commission, le taux d'intérêt des obligations de l'UE à 10 ans est passé d'environ 0% en 2021 à plus de 3%. Or, l’enveloppe totale de 14,9 milliards € pour la période 2021-2027 destinée à couvrir les coûts de financement devrait être utilisée d'ici l'été 2023. Pour y faire face, elle propose de créer un instrument spécial pour ajuster annuellement les remboursements. Enfin, elle prévoit une augmentation de 1,9 milliard € du budget de fonctionnement pour son administration, dont les salaires ont été ajustés à l’inflation, et dont la charge de travail a augmenté du fait de la gestion de nouvelles politiques (marchés numériques, services numériques, soutien à l'Ukraine, HERA – le service de préparation et de réaction en cas d'urgence sanitaire, Fit for 55, Mécanisme d'ajustement frontalier pour le carbone, REPowerEU). 

Pour financer les crédits supplémentaires, la CE invite les Etats membres à accepter des amendements au système de ressources propres. Entreraient alors dans le budget européen 30% du marché d’émission carbone (ETS) qui devrait engranger jusqu’à 20 milliards € par an et 75% du Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (CBAM) qui devrait générer jusqu’à 1,5 milliard € à partir de 2026. Elle propose également une ressource propre temporaire sur les statistiques basées sur les bénéfices des entreprises dès le 1er janvier 2024, en attendant la proposition prévue au troisième trimestre 2023 d’une assiette commune et d’une répartition des bénéfices entre les États membres de l’impôt sur les sociétés "Entreprises en Europe: cadre pour l’imposition des revenus" (BEFIT). Elle maintient l’introduction de la taxe sur les multinationale OCDE/G20 à venir.  Les parts de l’ETS étendu aux transports routiers et aux bâtiments ne devraient s’appliquer qu’à partir de 2028. 

En termes de calendrier, la Commission espère que les négociations, parallèles à celles sur le budget 2024, se concluent sous Présidence espagnole, donc avant la fin de l’année. Un objectif ambitieux étant donné les réticences de certains Etats à rallonger les lignes de crédits, et les parlementaires qui semblent à ce jour très déçus par cette révision a minima d’un CFP qui atteint ses limites. 

Lien vers la proposition de la Commission européenne