Thumbnail

Pesticides: vifs débats au Conseil et au Parlement européen

Les débats importants au Conseil sur l’utilisation durable des produits phytopharmaceutiques montrent les réticences des Etats à respecter la limite des pesticides proposée par la Commission dans les zones sensibles tandis que le Parlement, fortement divisé sur ce dossier, s’emploie par ailleurs à faire cesser l’autorisation sur le marché de produits existants.

Le 22 juin dernier, la Commission européenne a présenté une proposition de règlement portant sur l’utilisation durable des produits phytopharmaceutiques (dont les pesticides), en application de son plan d’action "zéro pollution" à l’horizon 2050 et de ses stratégies De la Ferme à la Fourchette, Biodiversité en 2030 et en matière de protection des sols. 

Les deux mesures phares du projet, la réduction de moitié de l’usage des pesticides d’ici 2030 et leur interdiction dans les "zones sensibles", ont suscité de vifs débats au Conseil des ministres de l’agriculture du 26 septembre. Divisés sur la méthodologie de calcul des efforts de chacun, les Etats sont d’accord pour refuser qu’une interdiction totale des produits phytosanitaires s’applique dans les "zones sensibles".

Celles-ci désigneraient à la fois les espaces publics ou utilisés par les personnes vulnérables, les zones urbaines traversées par un cours d’eau, les terres non productives (telles que définies au sein de la nouvelle PAC), les zones écologiquement sensibles (telles que définies par la directive-cadre sur l’eau) et les sites protégés Natura 2000. Un quart du territoire allemand et la moitié du territoire slovène seraient ainsi touchés par l’interdiction. 

Les Etats membres appellent donc la Commission européenne à réviser la proposition actuelle, définissant de manière plus précise quelles zones seront concernées par l’interdiction, et quel sera l’impact sur le secteur agricole. La Commission serait prête à amender sa proposition.

Au Parlement européen, la Commission de l’environnement, la santé publique et la sécurité alimentaire (ENVI) devrait rendre, avant le printemps, un avis sur ce texte, dont la rapporteuse sera l’eurodéputée écologiste allemande Sarah Wiener, soucieuse d’une solution qui protège l’environnement en ménageant la souveraineté alimentaire en Europe. De son côté, le Parti Populaire Européen (PPE) – parti Démocrates-Chrétiens – demande à la Commission de retirer sa proposition. Des tensions se font également sentir entre commissions parlementaires, puisque la Commission de l’agriculture du Parlement européen demande à pouvoir bénéficier d’une compétence conjointe sur le dossier afin d’être associée pleinement à la construction de la position du Parlement européen. Compétence pour le moment refusée par la commission ENVI.

Par ailleurs, par une résolution adoptée en plénière le 18 octobre, le Parlement européen demande à la Commission de retirer sa décision visant à prolonger la validité d'autorisation d'un grand nombre de substances actives de pesticides particulièrement toxiques, dont l’hydroxy-8-quinoléine, le chlorotoluron et le difénoconazole, qui perturbent le système endocrinien. 

Sur base du principe de précaution, il souhaite une meilleure justification scientifique de la Commission pour ces substances incriminées qui avaient déjà fait l'objet, en 2020, d'une objection du Parlement européen à prolonger leur autorisation sur le marché.

Proposition de règlement concernant une utilisation des produits phytopharmaceutiques compatible avec le développement durable, du 22 juin 2022 

Résolution du Parlement européen du 18 octobre 2022