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Les débats se durcissent sur le Green Deal

La nouvelle Commission européenne avait positionné le Pacte vert européen, dévoilé dès décembre, comme le pilier de son mandat pour les années suivantes. Ce projet d’envergure, tant environnemental que climatique, qui appelait 1 000 milliards € d’investissements (publics et privés), affronte dès à présent la crise économique qu’entraîne le Coronavirus.

Depuis la mi-avril, détracteurs et partisans du Green deal sont montés au créneau pour appeler la Commission européenne à réaffirmer ou infirmer son choix majeur sur cette politique. Les eurodéputés PPE de plusieurs pays, sans être, dans leur majorité, défavorables à la poursuite du Green Deal, préféreraient reporter ou atténuer ses objectifs. Ils rejoignent sur ce point le Président de Business Europe, Pierre Gattaz, qui au nom du patronat européen, a fait part de ses réserves sur le Pacte (tout comme les compagnies aériennes, l’association européenne du plastique et l’association des constructeurs européens d’automobiles), et plusieurs pays d’Europe de l’Est, traditionnellement réticents comme la Pologne et la République Tchèque.

A l’inverse, une tribune a été signée par 180 personnalités européennes: notamment 79 eurodéputés dont Pascal Canfin (Président de la commission Environnement) et les eurodéputés Renaissance et PSE, 37 PDG de grands groupes, ainsi que plusieurs ministres des gouvernements français et de Finlande, Suède, Italie, Espagne, Portugal, Allemagne, Luxembourg et d’Autriche. Ils appellent à la mise en place d’une alliance européenne de décideurs publics et privés (politiques, chefs d’entreprise, dirigeants financiers, syndicats, ONG, etc.) en faveur de la transition vers une économie neutre en carbone, des systèmes agricoles plus durables et la protection de la biodiversité.

Certains ont même lancé un appel à la présidente de la Commission pour employer des moyens majeurs: suppression des subventions aux énergies fossiles, fin de l’exonération fiscale du kérosène, et mise sur pied d’un Pacte Climat-Emploi rehaussant l’impôt sur les sociétés et s’appuyant sur une banque climat européenne offrant des prêts à taux zéro aux entreprises engagées dans la transition "verte".

Le monde économique suit aussi ce mouvement. Plusieurs groupes industriels comme Unilever ou Ikea se sont associés avec des autorités locales et ONG comme Eurocities pour demander le 17 avril à la Commission européenne que la relance du secteur automobile ne sacrifie pas la règlementation sur les émissions de CO2 des véhicules neufs.

Toutefois, même des Etats favorables aux principes du Green Deal et à la neutralité carbone en 2050 s’interrogent sur le bien-fondé de le mettre en chantier dès l’automne, plutôt que d’attendre quelques années. A l’inverse, les Pays-Bas, réticents à des dépenses budgétaires inconsidérées, ont publié la veille du sommet européen du 23 avril, une position demandant "d’éviter les investissements de court terme et les programmes d’aide qui ne sont pas alignés sur les objectifs climatiques du Green Deal". En effet les Etats qui estiment leur potentiel industriel tourné favorablement vers cette transition verte, ne devraient pas céder. La France veut placer le Pacte vert au cœur du plan de relance, verdir le budget européen et envisage de grands projets industriels européens verts et stratégiques.

Pour l’instant, la Commission tient son cap initial. Le Conseil européen du 23 avril lui a confié le soin de définir un plan de relance d’au moins 320 milliards € (au départ). Sa présidente a alors confirmé le Green Deal parmi les « priorités » qui « bénéficieront d’un soutien financier accru ». De son côté, auditionné par la commission Environnement du Parlement, le commissaire à l’Action Climatique Frans Timmermans a insisté sur le fait que le Green Deal « n’est pas un luxe inutile » mais devait être « la feuille de route de la sortie de crise ». Il a confirmé que, même si leur publication a été retardée, des éléments majeurs du Pacte comme la nouvelle stratégie Biodiversité ou la stratégie agricole « De la ferme à la fourchette » seront bien présentés dans les semaines qui viennent. Il a promis un assouplissement de la règlementation des aides d’Etat pour verdir l’action économique.

La Commission a constitué mi-mars une Task Force de commissaires européens en charge du plan de relance européen que Frans Timmermans vient de rejoindre pour défendre « la « conditionnalité verte » des plans d’urgence nationaux qui y fait encore débat. Beaucoup d’eurodéputés évoquent aussi la nécessité d’améliorer les propositions de mécanisme d’ajustement carbone aux frontières et le Fonds de transition juste (FTJ) pour aider les industries carbonées à accepter le Green deal. En tout cas, une seule chose est sûre: les difficultés climatiques survivront à la crise du Coronavirus.