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L’autonomie stratégique au menu du Conseil européen

Le Conseil européen, initialement prévu les 24-25 septembre, a été reporté d’une semaine, en raison d’un test positif à la CoVid-19 de son Président Charles Michel. Les vingt-sept chefs d’Etat se réunissent les 1er et 2 octobre pour discuter marché intérieur et politique industrielle.

Si l’expression "autonomie stratégique" n’est pas récente, les responsables européens n’hésitent plus à l’utiliser publiquement et à appeler à protéger davantage les chaines de valeur présentant un intérêt vital pour l’économie européenne. Les contours de ce concept font néanmoins débat au sein des Etats. S’il est très défendu par Emmanuel Macron, il ne fait pas l’unanimité parmi les Etats du Nord de l’Europe qui craignent des mesures protectionnistes. Plutôt que de l’élever au rang d’objectif fondamental de l’UE, les Etats devraient se mettre d’accord pour que "l’autonomie stratégique soit un objectif clé de l’Union, tout en garantissant une économie ouverte". C’est d’ailleurs la formulation retenue par le Président du Conseil européen, Charles Michel, dans son discours devant l’Assemblée générale des Nations Unies le 25 septembre dernier: une "Union […] plus forte, stratégiquement autonome dans le cadre d'une économie ouverte".

Garantir l’autonomie stratégique passe tout d’abord par une politique industrielle ambitieuse, par une sécurisation de certaines chaines de valeur, et par une redéfinition de certaines relations économiques bilatérales de l’Union, afin de mieux se protéger des pratiques commerciales déloyales et abusives et de réduire notre dépendance vis-à-vis de pays tiers dans certains secteurs stratégiques. Ces principes guident la rédaction de plusieurs documents publiés par la Commission européenne: la stratégie industrielle du 10 mars 2020, le plan de relance proposé le 27 mai dernier, la Stratégie pour les matières premières critiques du 3 septembre (voir autre article), ainsi que les stratégies sur les produits chimiques et sur le produits pharmaceutiques, annoncées pour les prochains mois. Des propositions législatives à venir sur "les effets de distorsion causés par les subventions étrangères au sein du marché unique" et sur le renforcement de l’union des marchés des capitaux, les révisions annoncées de la politique de concurrence et de la politique commerciale de l’UE viennent compléter ce dispositif. En ce qui concerne les financements, la Commission avait proposé la création d’un volet du Fonds Invest EU pour soutenir l’autonomie stratégique et les infrastructures et technologies critiques pour l’Europe. Si ce volet a été supprimé par les chefs d’Etat lors de leur accord sur le cadre financier pluriannuel 2021-2027, le principe d’autonomie stratégique devrait rester un objectif horizontal de l’ensemble des volets d’InvestEU.

D’après un projet de conclusions, les chefs d’Etat, lors du prochain Conseil, devraient demander à la Commission d’identifier les "dépendances stratégiques" dans les écosystèmes industriels les plus sensibles, tels que la santé, la défense et le spatial. Après les batteries, l’électronique et l’hydrogène, de nouvelles alliances industrielles, et de nouveaux projets importants d’intérêt commun européen (IPCEI) pourraient émerger. Les secteurs des matières premières critiques, des équipements médicaux, des micro-processeurs, des réseaux de télécommunications, des industries bas-carbone ou encore des plateformes de clouds industriels sont cités comme exemples.

Enfin, la souveraineté numérique et technologique reste une composante importante de cette stratégie. Les 27 Etats membres devraient rappeler, lors du Conseil européen des 1 et 2 septembre, la nécessité d’accélérer la transition numérique par l’intermédiaire du budget 2021-2027 et du plan de relance, de développer les espaces de données communs, d’avancer sur l’identité numérique européenne (e-ID) ou encore d’intensifier les travaux sur la 5G, sur les services de clouds, et sur le développement d’une approche européenne pour l’intelligence artificielle.