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L’action de l’UE face au COVID-19

L’Union européenne a pris plusieurs initiatives face à la crise du COVID-19. Outre le plan d’urgence de 750 milliards € de la Banque Centrale Européenne (BCE), celui de la Banque européenne d’investissement (BEI) qui pourra mobiliser jusqu’à 40 milliards € et le recours à la clause dérogatoire du Pacte de stabilité et de croissance, largement relayés par la presse, la Commission européenne a mis sur la table une Initiative d’Investissement en Réponse au Coronavirus (CRII) et accepté de déroger de manière exceptionnelle à sa législation en matière d’aides d’Etat.

L’Initiative d’Investissement en Réponse au Coronavirus

Le 13 mars, la Présidente de la Commission européenne (CE), Ursula Von der Leyen, a présenté une Initiative d’Investissement en Réponse au Coronavirus, dans le but de réorienter les fonds encore disponibles dans le cadre de la politique de cohésion 2014-2020 (Fonds européen de développement régional, FEDER, Fonds social européen, FSE, Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, FEAMP) vers des actions dédiées à la lutte contre les effets du COVID-19.

Au niveau de l’UE, ce sont ainsi 37 milliards € qui pourraient être mobilisés. Toutefois, il ne s’agit pas d’argent frais. Ces 37 milliards € se répartissent ainsi :

  • 8 milliards € de préfinancements (avances de trésorerie) FEDER et FSE alloués aux Etats membres dans le cadre de la politique de cohésion, que la CE renoncerait à récupérer en 2020. Ces montants pourront être utilisés comme contreparties nationales aux opérations cofinancées par les fonds européens liées au COVID19. Cette proposition permettrait ainsi de financer des "actions COVID" à 100% par des fonds européens. En revanche, ces liquidités utilisées en 2020 dans le cadre de la réponse à la crise du Coronavirus devront être remboursées à la Commission européenne lors de la clôture des programmes en 2024;
     
  • 29 milliards € émaneraient des crédits européens prévus dans le cadre de la politique de cohésion mais qui ne sont pas encore alloués dans la programmation 20142020.

L’ensemble de ces moyens pourrait être fléché vers des actions de lutte contre les effets du COVID-19. Pour cela, la Commission propose de modifier les règlements de base de la politique de cohésion 2014-2020 (règlement portant dispositions communes, règlement FEDER et règlement FEAMP) afin d’élargir la liste des dépenses éligibles. L’initiative introduit certaines flexibilités avec un effet rétroactif au 1er février, qui permettront:

  • Pour le FEDER, la possibilité de financer des fonds de roulement pour les PME, à travers des instruments financiers; mais également d’investir dans des produits et services nécessaires aux services de santé, comme par exemple des équipements dans les hôpitaux, des respirateurs ou des masques;
     
  • Pour le FEAMP, la possibilité de contribuer à des fonds de mutualisation pour compenser les pertes économiques des pêcheurs; mais également de préserver le revenu des producteurs aquacoles grâce à un système d’assurance;
     
  • De simplifier les modifications de programmes 20142020, avec des possibilités nouvelles de transférer des fonds entre les priorités d’un même programme, sans validation de la Commission européenne.

Quant au FSE, la Commission indique qu’il pourrait notamment être mobilisé pour soutenir les mécanismes de chômage partiel (maintien des salaires dans les PME), sans toutefois qu’une modification de législation soit nécessaire pour ce faire.

Le 18 mars, si l’Initiative a été adoptée à la majorité qualifiée par le Comité des représentants permanents au Conseil (ambassadeurs des vingt-sept Etats de l’UE) et sans amendement, certains Etats, dont la France, ne sont pas totalement satisfaits par la proposition. De nombreuses questions techniques se posent et en raison des multiples demandes, la Commission ne ferme pas la porte à une deuxième série de mesures dans le cadre de la politique de cohésion. Quant au Parlement européen, il a validé l’Initiative lors d’un vote à distance le 26 mars.

Enfin, la Commission a proposé d'étendre le champ d’intervention du Fonds de solidarité de l’Union européenne (FSUE), jusque-là limité au soutien suite à des grandes catastrophes naturelles, aux "urgences majeures de santé publique". Par ce biais, elle espère pouvoir distribuer rapidement près de 800 millions € en faveur des Etats les plus durement touchés par l’épidémie, afin de soutenir des mesures visant à fournir par exemple une assistance médicale, en prévenant, surveillant ou limitant la propagation des maladies. Le Parlement européen a approuvé cette modification le 26 mars.

En France, la Commission européenne estime que l’Initiative d’Investissement pourrait rassembler 650 millions €, dont 312 millions de préfinancements et 338 millions € de crédits non alloués. Ces 338 millions € correspondent à des crédits non programmés à ce jour mais pas pour autant à des crédits « disponibles », un certain nombres d’opérations non encore programmées étant d’ores et déjà identifiées pour un financement sur la période actuelle.

En Nouvelle-Aquitaine, un travail a été entrepris pour identifier les fonds réellement disponibles susceptibles d’être fléchés COVID-19 (deuxième partie du plan). La priorité est à la sauvegarde du système régional de formation professionnelle avec le maintien de la rémunération des stagiaires et la demande faite aux organismes d’offrir des formations à distance, ce qui pourrait être soutenu par le FSE par exemple. Quant au FEDER, il pourrait éventuellement être mobilisé sur des dépenses telles que, dans les hôpitaux, la fourniture de matériel médical et de protection (masques, vêtements, respirateurs, etc.) ou la réalisation de travaux pour répondre à l’épidémie. Côté entreprises, les fonds pourraient accompagner les interventions de la Région décidées en urgence pour soutenir le tissu économique régional mais aussi par exemple accompagner des entreprises qui réorientent leur production vers des biens essentiels pour lutter contre le virus. En outre, la Nouvelle-Aquitaine envisage de prendre des dispositions pour simplifier l'utilisation des fonds européens en prolongeant  les conventions de financement pour l’ensemble des porteurs. Toutefois, une grande partie des mesures de simplification, indispensables à l’activation d’un plan COVID, dépend des souplesses qui seront permises par la modification des règlements européens, notamment en matière de gestion et de contrôle, et qui sont loin d’être acquises. Des discussions sont en cours avec la DG REGIO sur ces questions.

Aides d’Etat

La CE a également accepté de déroger de manière exceptionnelle à sa législation sur la concurrence en Europe, qui limite habituellement les règles sur les aides d'État (les plafonds d’aides publiques) qu’Etats et collectivités peuvent accorder aux entreprises.

A l’instar de la crise financière de 2008, la Commission a adopté le 19 mars une décision spéciale pour remédier à l’urgence de la situation économique et sanitaire. Trois actions essentielles: appuyer les secteurs spécifiques immédiatement touchés par la crise (comme le tourisme, l'événementiel ou la restauration), assurer la trésorerie des PME et des ETI (entreprises de taille intermédiaire), et soutenir les banques en difficulté. Les Etats membres peuvent adopter des régimes d’aides accordant 800 000 € à toute entreprise quelle que soit sa taille. Il peut s’agir d’aides directes, fiscales ou d’avances de paiement.

Sur cette base juridique, la France a obtenu dès le 21 mars l’accord de la Commission pour un régime cadre établissant sur son territoire un dispositif d’urgence de 300 milliards €, disponible jusque fin 2020. Il s’agit pour l’essentiel d’une garantie de BPI France sur les prêts commerciaux pour des crédits d’investissement et de fonds de roulement, ainsi qu’une autre pour des lignes de crédits confirmées. Ces deux mesures fourniront des garanties d'État aux PME (y compris celles détenues au moins à 25% par des fonds de capital-risque) et aux ETI comptant jusqu'à 5 000 employés.

En moins de 24 heures pour certains dossiers (au lieu de deux mois), la Commission a également autorisé les fonds d’urgence de plusieurs pays. L’Allemagne, pour un régime en faveur de sa banque KfW et prévoyant un plafond d’un milliard € par entreprise, ainsi que pour une aide supplémentaire permettant aux Länder et aux banques d’accorder des prêts à des conditions préférentielles pour couvrir les besoins immédiats des entreprises (fonds de roulement et investissements).

L’Espagne, pour deux régimes de garantie d'environ 20 milliards € en faveur des entreprises de tout niveau et des travailleurs indépendants, et le Portugal avec un régime de 3 milliards € pour les PME. Le Danemark pour un régime de 1,3 milliard € couvrant 75% de la perte de chiffre d'affaires des travailleurs indépendants (avec un plafond de 3 000 € par mois et par personne), un schéma de garanties d’un milliard € pour les PME, et un autre de 12 millions € pour compenser l’annulation d’événements publics de grande ampleur. De même pour le Luxembourg (300 millions € pour les entreprises et les professions libérales), la Lettonie (250 millions € de prêts et de garanties) et l’Italie (50 millions € pour la fourniture d’équipement médical et de masques et un moratoire des banques sur les dettes des PME).

Même le Royaume-Uni, encore soumis de manière transitoire au droit européen, a obtenu l’accord de la Commission pour deux régimes de 600 millions £ au total (environ 650 millions €) : un régime de facilités de prêt pour couvrir les besoins en fonds de roulement et d'investissement des PME, et un régime de subventions directes pour soutenir les PME.

Voir le plan de la Banque européenne d’investissement

Voir la proposition de la CE pour une Initiative d’Investissement en Réponse au Coronavirus  

Voir la présentation powerpoint du plan de la CE 

Voir l'accord du COREPER du 18 mars 2020

Voir le communiqué de presse du Parlement européen

Voir la décision de la CE du 21 mars sur le plan de la France "COVID-19: Plan de sécurisation du financement des entreprises"