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Accélération de la transition énergétique et environnementale : accord sur le règlement "zéro émission nette"

Après des mois de négociations interinstitutionnelles, un accord a été trouvé le 6 février sur le règlement industrie "zéro émission nette" (NZIA) du volet industriel du Pacte vert. Ce règlement a pour objectif le renforcement de la résilience et de la compétitivité de l'industrie des technologies "zéro émission nette" identifiées comme stratégiques dans l'UE. Pour y parvenir, le texte propose principalement le renforcement global de la capacité de production par le biais d’une rationalisation des exigences administratives et d’une main-d'œuvre qualifiée adéquate, la création de "vallées d'accélération à zéro émission nette" dans les territoires et de nouveaux critères hors prix pour les marchés publics.

Comme le marché mondial des technologies "zéro émission nette" devrait représenter 600 milliards € par an d'ici à 2030, les initiatives de pays hors UE pour soutenir leurs industries "zéro émission nette" se multiplient (voir article La Commission met sur la table sa réponse à l’IRA| Europe (europe-en-nouvelle-aquitaine.eu)). Elles ont ainsi créé des conditions de concurrence inégales, se répercutant sur la viabilité économique des secteurs européens associés à ces technologies "vertes". Celles-ci sont essentielles pour assurer la transition énergétique et garantir les objectifs climatiques de l’UE. Alors que l'Union européenne est un importateur net de nombreuses technologies "zéro émission nette", cette proposition législative vise à accroître la capacité de production européenne de ces technologies afin qu’elle couvre 40% des besoins domestiques de l'UE d'ici à 2030 (voir article Règlement européen "zéro émission nette": l’UE souhaite être leader sur les technologies propres| Europe (europe-en-nouvelle-aquitaine.eu)). Ces mesures cadres initiales de simplification réglementaire et de stimulation des investissements ont toutefois subi des changements reflétant les différentes positions des colégislateurs. 

En premier lieu, le champ d’application du règlement comporte un nouvel objectif référence : la capacité de fabrication de l'UE pour ces technologies devrait atteindre 15% de la production mondiale en valeur d'ici à 2040. Autre changement important, une seule liste de 19 catégories de technologies pouvant toutes faire l’objet de projets stratégiques a finalement été retenue, le tout, sans le critère de maturité technologique associé au préalable. Celle-ci contraste avec les deux listes initiales et leurs distinctions entre technologies stratégiques et celles moins capitales, ce qui réduisait ainsi le rayon des technologies pouvant bénéficier de tous les avantages du règlement. 
 
La liste définitive inclut ainsi des nouveautés comme le nucléaire, poussé par la France et un certain nombre de pays de "l’Alliance du nucléaire". Une disposition du texte prévoit que les États membres choisiront souverainement quels projets "stratégiques" seront développés dans le domaine des technologies listées, en prenant en compte par exemple la cohérence avec leur mix énergétique. Le règlement couvrira en outre un ensemble de composants et de machines spécifiques intervenant dans la production des technologies et intégrera également les projets de décarbonation des industries à forte intensité énergétique.
 
Désormais, les mesures phares du NZIA liées à la rationalisation des exigences administratives s’appliqueront sur deux niveaux. Dans un premier temps, le règlement accordera un raccourcissement des délais maximums d’octroi de permis pour des projets de production des 19 catégories de technologies ciblées, en fonction de la taille du projet : 12 mois pour des projets de moins de 1 GW et 18 mois pour des projets supérieurs à 1 GW ou non mesuré en GW au lieu de plusieurs années auparavant. 

Ensuite, sur décision des États membres, et sous réserve qu’ils respectent au choix au moins un critère de résilience, de compétitivité ou de durabilité, les projets qui revêtent une importance cruciale pour la décarbonation dans l’UE pourront être reconnus comme "stratégique". Ce statut sera synonyme de procédures administratives accélérées (respectivement 9 et 12 mois), et fournira un accès à des facilités de financement. Sur ce dernier point, la finalisation des négociations sur la Plateforme STEP permettra de mieux envisager comment canaliser les fonds européens existants vers des investissements visant à soutenir des technologies critiques, y compris les technologies propres. Une plateforme "Net-Zero Europe" verra également le jour en tant qu’organe de référence sur le règlement et ses implications au niveau européen. Elle aura notamment pour rôle de donner une vue d'ensemble des possibilités de financement disponibles et abordera les besoins de financement individuels des projets stratégiques. 

Sur le volet accès aux marchés, de nouveaux critères hors prix (durabilité et résilience), à prendre en compte par les États membres et les autorités publiques dans leurs marchés publics sont prévus. Il est en est de même avec des dispositions sur les mises aux enchères pour les énergies renouvelables. Lors de l’attribution de marchés publics "zéro émission nette", des exigences minimales en matière de durabilité environnementale seront ainsi précisées dans un futur acte d’exécution. Au moins l’un des trois critères suivants est également à évaluer dans la décision finale : les conditions sociales particulières, la cybersécurité et l’engagement à livrer le projet dans les délais. Les dispositions relatives aux enchères s’appliqueront 18 mois après l’entrée en vigueur du règlement tandis que celles pour les marchés publics prendront place uniquement après deux ans, dans le cas des petits acheteurs publics, et des marchés de faible valeur.

Par ailleurs, afin de disposer d’une main-d'œuvre qualifiée adéquate, ce sont plusieurs "Net-Zero Academies" qui seront établies dans l’UE pour pallier les pénuries de compétences dans les secteurs concernés. La Commission européenne soutiendra financièrement le démarrage de ces académies. Elles mêleront industrie, prestataires de services d'éducation et de formation et partenaires sociaux d'un certain nombre d'États membres. L’objectif sera l’élaboration de programmes et contenus d'apprentissage et de formation, à destination de l’ensemble de la chaine de valeur "zéro émission nette" et des employés des administrations nationales et locales par exemple.

Enfin, le texte final intègre aussi une dimension territoriale en encourageant le développement de "vallées d'accélération à zéro émission nette". Ces zones de regroupement d’activités industrielles zéro net, limitées sur le plan géographique et technologique, sont envisagées comme des outils renforçant la vision du NZIA. Elles seraient un accélérateur des activités industrielles "zéro émission nette" dans les régions moins développées ou en transition, de la réindustrialisation d’un territoire et un espace de test sur des projets innovants. Les États membres ayant la responsabilité de leur désignation, un plan préciserait à la fois les activités de production ciblées ainsi que les mesures nationales de soutien à l’attractivité de ces vallées. Elles bénéficieraient par exemple du statut d’"intérêt public", facilitant les procédures d’autorisations des projets en son sein au regard de la législation environnementale (les États devront eux-mêmes conduire des études d’impact environnemental). En outre, le développement des vallées pourraient être soutenu par des fonds de la politique de cohésion.

Suivant l’accord provisoire qui a émergé au début du mois, l’approbation formelle du texte aura lieu d’abord au Parlement européen lors d’une des plénières d’avril avant qu’il soit définitivement entériné par le Conseil avant les élections européennes.

Accord provisoire sur le règlement NZIA

Liste des technologies couvertes par le règlement : 

-Technologies solaires, y compris : les technologies solaires photovoltaïques, solaires thermiques électriques et solaires thermiques 
- Technologies éoliennes terrestres et les technologies renouvelables en mer 
-Technologies des batteries et du stockage de l'énergie 
-Les pompes à chaleur et les technologies de l'énergie géothermique 
-Technologies de l'hydrogène, y compris les électrolyseurs et les piles à combustible 
-Technologies du biogaz durable et du biométhane 
-Technologies de piégeage et de stockage du carbone 
-Technologies des réseaux électriques, y compris les technologies de recharge électrique pour les transports et les technologies de numérisation du réseau 
-Technologies de l'énergie de fission nucléaire, y compris les technologies du cycle du combustible nucléaire
-Technologies des carburants alternatifs durables
-Technologies de l'hydroélectricité 
-Technologies des énergies renouvelables, non couvertes par les catégories précédentes 
-Technologies d'efficacité énergétique liées aux systèmes énergétiques, y compris les technologies des réseaux de chaleur
-Technologies des carburants renouvelables d'origine non biologique
-Solutions biotechnologiques pour le climat et l'énergie 
-Technologies industrielles transformatrices pour la décarbonisation non couvertes par les catégories précédentes 
-Technologies de transport et d'utilisation du CO2 
-Technologies de propulsion éolienne et électrique pour les transports 
-Technologies nucléaires non couvertes par les catégories précédentes.